Les petits Nelson, c’est mon fort !

par lundi 3 octobre 2022Culture8 commentaires

Les petits Nelson, c’est mon fort !

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Une partie de ma collection de petits Nelson de la grande collection sur une étagère de ma bibliothèque
Une partie de ma collection de petits Nelson de la grande collection sur une étagère de ma bibliothèque

« Chaque livre, en outre, avait une odeur particulière selon le papier où il était imprimé, odeur fine, secrète, dans chaque cas, mais si singulière que j’aurais pu distinguer les yeux fermés un livre de la collection Nelson des éditions courantes. »

Albert Camus, Le premier homme
Les trois mousquetaires d'Alexandre Dumas aux éditions Nelson (Petits Nelson de la grande collection)
Deux de mes petits Nelson

Nostalgie

Dans les vides greniers, chez les brocs, il n’était pas rare, il y a une dizaine d’années, de dégoter les petits Nelson, ces petits livres, de bonne facture, reliure cousue, recouverte de percaline ivoire. Le temps ayant fait son oeuvre, l’ivoire s’est fâné. La palette de leur couverture va désormais du jaune paille au jaune curry, ce qui lui vaut souvent le titre de « petit livre jaune ».

Les éditions Nelson éditèrent ces livres reconnaissables entre tous avec leurs guirlandes fleuries et leur médaillon art déco entre les années 1910 et 1964. Au départ, ils auraient dû être publiés au rythme de deux par mois, ce qui ne fut presque jamais le cas. A l’arrivée, bien qu’ils aient traversés deux guerres, ils ont plutôt bien vieilli… Si bien même qu’ils attisent toujours la nostalgie et la collectionnite chez quelques passionnés…

Dans les grandes lignes

Tout commence en 1780 avec Thomas Nelson, un fils de fermiers. Son histoire ressemblerait peu ou prou au mythe du self made man américain, s’il n’avait vécu en Ecosse. (De toute façon, il est né bien avant Benjamin Franklin, le premier self made man, forcément américain). Tout d’abord professeur, Thomas Nelson quitte bien vite le métier qui ne lui plait pas pour rejoindre Londres. Il est alors sans emploi et bientôt sans le sou : il offre sa dernière pièce à un mendiant juste avant de trouver une place chez un imprimeur.

Ensuite, fort de quelques économies, il part s’installer bouquiniste à Edimbourg en 1798 et finit par vouloir imprimer ses propres ouvrages. Si ses confrères libraires publient du rare, du précieux, lui désire imprimer des ouvrages peu coûteux à mettre à la porter des petites bourses. Après tout, il est du genre à donner sa dernière pièce à un clochard.

Enfin, en 1850, déjà rejoint par son fils William (depuis 1835), il invente la presse rotative.

Nous sommes alors encore bien loin des publications françaises qui nous intéressent aujourd’hui. Loin des 453 titres qui compos(ai)ent la grande collection publiée entre 1910 et 1964.

La grande collection Nelson

En 1903, l’entreprise a bien grandi. Elle possède désormais une succursale aux Etats-Unis. Les ouvrages sont bien implantés en Angleterre, au Canada, en Australie… La compagnie s’offre alors une usine dédiée EXCLUSIVEMENT à la production d’ouvrages au format 6 1/2 by 4 1/4 inches, c’est-à-dire environ 11 cm par 16 cm (le in 18). Bref, vous l’aurez compris, c’est du lourd et ça a de l’envergure ! Avec pareille infrastructure, le groupe éditorial était largement prêt à devenir le précurseur des livres de poche en France et à vulgariser la littérature outre Manche, avec Paris en ligne de mire.

« La collection Nelson continue à publier de nouveaux volumes (…) On sait que les livres de la collection Nelson sont l’idéal du bon marché (1 fr. 25) et de l’édition soignée. Format commode, joli cartonnage, fines illustrations, impression irréprochable, rien n’a été négligé pour faire de ces volumes des ouvrages de bibliothèque choisie, dont le succès est assuré ».

Journal des débats politiques et littéraires , 1 novembre 1910 – Ressource BNF Gallica

En 1909, Bernard Grasset devient l’agent parisien de Nelson. Il ne tarde pas à susciter la jalousie de certains éditeurs de la capitale (Grasset, Flammarion). Il faut dire que ces derniers impriment bien plus cher sur du papier de moins bonne qualité. Aucun ouvrage aussi bien fini n’est proposé en France à ce prix. Un volume ne coûte qu’un 1 franc 25, soit un shilling. Cela équivaudrait aujourd’hui à 5 euros et 7 centimes ! C’est à dire moins cher que la plupart des livres de poches actuels à dos carré-collé ! C’est ainsi que, en résumé, les éditions Nelson ont aidé la littérature moderne et classique à filtrer dans toutes les couches sociales en mettant des ouvrages de qualité (forme et fond confondus) à porter de bourse de nos aïeux.

Anecdote et infos pratiques

A savoir, les éditions Nelson ont imprimé d’autres collections pour la France (les éditions Lutécia, la bibliothèque Nelson illustrée). Victor Hugo a même bénéficié d’une édition spéciale en 51 volumes.

Ancienne publicité pour présenter les oeuvres complètes de Victor Hugo en 51 volumes aux éditions Nelson
Publicité Nelson pour la série Victor Hugo en 51 volumes

Si ça t’intrigues, tu trouveras la liste des petits Nelson de la grande collection en presque intégralité chez cette collectionneuse. Oui, presque intégralité, car à ce jour les titres des numéros 449 à 451 restent un parfait mystère, malgré les nombreux catalogues distribués par l’éditeur… Intrigant, non ?
Pour terminer, Thomas Nelson s’appelait en réalité et à la base Neilson, il changea son nom en 1818. Pourquoi ? Peut-être pour arrêter de se faire mettre le point sur le « i » ! Qui sait ? Pas moi.

Si tu es tenté, tu peux dégoter ces petites bouchées de nostalgie à un prix situé entre 3 et 15 euros le volume en état correct. Pour ma part, j’ai vu passer un volume de la baronne Orczy à 45 euros ! N’est-ce pas surprenant pour un ouvrage destiné à la base à être à la portée de toutes les bourses ? D’ailleurs, je me demande si je n’ai pas un peu rêvé, l’ouvrage a filé si vite… Il faut dire qu’il est bien rare. En vérité, à ce prix là, la baronne Orczy peut aller se rhabiller les osselets, non mais !

Madame Sardine et les petits Nelson

Petite chineuse, j’ai dégoté quelques volumes à un franc ou deux au cours de mes pérégrinations en brocantes. A la longue, je m’y suis attachée. C’est donc l’air de rien que je suis devenue une collectionneuse occasionnelle. Ainsi, dans ma caisse à lire, tu apercevras du Dumas, du Dickens et les premiers volumes de la Baronne Orczy dans cette édition. Nous causerons donc encore des petits Nelson ici et là.
Allez, mes petites sardines, à tantôt ou à plus tard !

8 Commentaires

  1. Fred

    Ces petits livres sont si mignons ! Ils te vont bien 😉
    Merci pour ce petit historique à ta sauce !
    (J’ai croisé un GoogleBot, il te remercie aussi 😉 )

    Réponse
    • Madame Sardine

      Ahaha, chercher à satisfaire un robot, quel monde étrange… Oui, mignon, sais-tu, que pour les étrennes, les éditions Nelson éditaient des livres plus petits, souvent fleuris, le format « bijou » qui tenaient dans les sacs des dames… C’est quasi introuvable…

      Réponse
      • Fred

        Encore plus mignons, rhhoo !

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  2. MAP

    Je ne connaissais pas les petits Nelson et cela m’a bien intéressée de decouvrir l’origine de cette collection ! Tu as bien fait de chiner au cours de tes pérégrinations en brocante ! Super,extra !!! Affaire à suivre pour notre plus grand plaisir !

    Réponse
    • Madame Sardine

      Oh merci ma chère MAP ! Ravie de te les avoir fait découvrir. Ils sont adorables, n’est-ce pas ?

      Réponse
      • MAP

        Oh oui je pense bien !

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  3. Arnaud

    Merci pour cette découverte ! Si j’avais su j’aurais gardé les miens, quelques uns faut pas exagérer, plutôt que de les éparpiller façon puzzle avec le reste de ma bibliothèque lors de mon dernier déménagement. Une question : j’en ai aperçu deux sur la photo d’introduction dont la tranche arbore un bouquet coloré plutôt que le N, qu’est-ce à dire ? Autre question, sait-on si Nelson a publié les Mémoires de Napoléon avant de lui crever le bedon ?

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    • Madame Sardine

      De rien, j’aime bien partager le fruit de mes recherches 😉 Alors comme ça, on peut retrouver ta bibliothèques au quatre coin de Normandie, ventilée, dispersée…
      J’ai des regrets aussi d’avoir lourdé certains livres, parfois, dont mon vieux dico avec les pages roses qui séparaient les noms propres des communs… Soupir… Et d’avoir prêté mes bouquins de quand j’étais petiote à une personne qui les a revendus au lieu de me les rendre, dis donc ! Pour répondre à ta première question, les petits Nelson ont tous été édités avec une jaquette de protection. Il arrive, c’est très rare, que certains la possèdent encore. Ces deux là ne font pas partie de la collection avec les guirlandes fleuries et le médaillon, mais avec une autre reliure en Efalin toute simple avec un liseré ondulé rouge (qui résiste un peu à mes investigations). En réalité, les éditions Nelson ont édité des volumes sous plusieurs reliures et plusieurs formats (dont deux spéciaux pour les étrennes un grand et un petit, le format bijou, destiné aux sacs à main des dames, une rareté). Pour répondre à ta seconde question, il existe dans la Grande collection des petits Nelson, un exemplaire « Napoléon intime » d’Arthur-Lévy, je ne sais de quoi ça cause ! Et dans la collection Hugo, le pamphlet : Napoléon le petit. Voilà, sur ce je file sucer des arrêtes de poisson ! Rire

      Réponse

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